Témoignage Patrice DEBOIS

Déjà une journée que l’hommage national à notre collègue Aurélie FOUQUET s’est déroulé, j’y étais  bien entendu présent, accompagné de quelques homologues breton. Lorsque je dépose mes enfants à l’école ce matin, je suis encore un peu fatigué du voyage... et aussi perturbé, je rentre chez moi dans une maison vide et inconsciemment je me remémore cette émouvante journée, partagé entre la satisfaction d’avoir assisté à cet hommage poignant, le plaisir de retrouver des collègues, des amis, ou tout simplement des frères d’armes, et beaucoup de tristesse d’avoir perdu l’une des nôtres.

Le téléphone sonne, l’adjoint délégué à la sécurité souhaite avoir des informations et mon sentiment quant à cette journée marquante, l’on échange nos points de vue et je me dirige vers mon ordinateur, j’ouvre ma boîte mail et là je découvre le commentaire de notre collègue Raymond MALLIA déposé sur le blog de l’A.N.C.P.M, c’est un témoignage émouvant, tout est dit sur nos sentiments partagés du déroulement de cette journée d’hommage à Aurélie.

L’émotion grandit forcément à la lecture de ce témoignage et un retour en arrière est inévitable au moment de l’annonce par les radios nationales de ce tragique événement du 20 mai dernier, jusqu’à l’organisation de notre déplacement à cette cérémonie.

Nous sommes donc le 20 mai 2010 à LOUDEAC, les flashs infos des radios nationales relatent « qu’une fusillade vient d’éclater à VILLIERS S/ MARNE, des individus lourdement armés viennent de blesser une "policière municipale" lors d’une course poursuite, il s’agit d’une véritable exécution en pleine rue, des civils semblent également blessés..., notre collègue serait entre la vie et la mort… Qui est-ce ?, c’est la première question que l’on se pose, puis le choc, la consternation aussi…

Mais il faut continuer le travail, nos missions quotidiennes nous attendent.

Pour les flashs infos suivants, c’est déjà la polémique : « pourquoi une patrouille de police municipale s’est elle trouvée engagée dans une course poursuite face à des individus lourdement armés et susceptibles d’appartenir au grand banditisme.. », l’on connaîtra la réalité des faits par la suite.

Tout se bouscule dans mon esprit, me ramène inévitablement au 7 mai 2007 à 1h25 du matin où je me trouve moi-même blessé, couché au sol et les conséquences médiatiques du tir de mon collègue avec son arme de service qui blesse mon agresseur.

La journée de travail s’achève, sans information supplémentaire sur le drame du jour.

Il faut attendre en soirée la douloureuse nouvelle : « …la policière municipale de VILLIERS S/ MARNE est décédée à la suite de ses blessures. »

Mon épouse rentre à son tour de son travail, elle aussi vient d’apprendre la nouvelle, elle aussi s’est souvenue de cette journée du 7 mai 2007,... C’est triste !

Qui est-ce ?, le lendemain la presse commence à l’annoncer : « ... il s’agit d’Aurélie FOUQUET, 26 ans, policière municipale et maman d’un petit garçon de 14 mois... ».

La mobilisation semble générale, un appel est lancé à porter un brassard sur les tenues d’uniformes en signe de deuil, j’arrive au poste de police de LOUDEAC, Aurélie, (eh oui !…Aurélie notre collègue féminine de la Police Municipale de LOUDEAC) a fait confectionner par le service reprographie des rubans noirs qu’elle arbore déjà sur l’écusson d’épaule de sa tenue, j’enfile celui qu’elle m’a destiné. Je monte immédiatement dans mon bureau pour visualiser les informations qui circulent sur la messagerie professionnelle, chacun va de son commentaire, bien sûr…

A 12h00, j’apprends la nouvelle, un hommage national sera rendu à Aurélie FOUQUET, le mercredi 27 mai à la mairie de VILLIERS S/ MARNE en présence du Président de la République.

Plus tard, Dominique DE GEYTER – PM de ROISSY PORTE DE FRANCE, nous communique l’information suivante, le conjoint d’Aurélie FOUQUET, lui aussi Policier Municipal à la Ville de MEAUX (77) appelle à une police unie, une seule police (nationale et municipale) solidaire dans cette épreuve.

Quant à lui, Raymond MALLIA active le blog de l’ANCPM, lance un appel aux dons pour la famille d’Aurélie.

Vite, il faut relayer ces informations aux confrères bretons, s’organiser pour se déplacer mercredi à l’hommage : envoi par mailing, téléphone…

Mince j’oubliais, comment est organisé le service pour ce mercredi, les enfants sont aussi à la maison, il faut assurer leur garde...

Je jette un coup d’œil dehors, il fait beau, je ne suis pas encore sorti du bureau ce matin, complètement suspendu à l’événement...

Encore un appel à passer à un collègue pour relayer l’information, j’en profite pour sortir dehors… : « tu viens de voir ce qui s’est passé ? ...oui, c’est mercredi ! tu y vas ? …

Le Maire de LOUDEAC, Gérard HUET m’aperçoit, il m’interpelle, jette un coup d’œil sur ma tenue, et me lance : « très bonne chose, je vois que vous avez votre brassard, je suis l’événement ! »

Je l’informe de l’hommage national organisé ce prochain mercredi. Pas le temps de solliciter une autorisation de s’y rendre, pour lui aussi c’est évident que nous devons y être, sa réaction ne se fait pas attendre : « vous y allez, avec des agents du service… voyez avec vos autres collègues, je vous mets à disposition un minibus de la ville…

C’est clair, je serais bien présent à l’hommage national organisé à VILLIERS S/ MARNE. … Mais, vite il faut lancer l’information de mise à disposition d’un mini bus et l’appel à volontaires…

Les réponses ne se font pas attendre pour certains : «...un rendez vous à décommander mais j’y serais..., pour l’un  …réserves 2 places pour mon service, s’il te plaît...»

J’appelle Jean-Michel LOUBANEY, président de l’ANCPM, qui lui aussi organise de la même façon une délégation de la région Aquitaine, pas de souci, l’on se retrouvera ensemble à VILLIERS S/ MARNE.

Il reste l’horaire à définir…. je tente d’appeler téléphoniquement la PM de VILLIERS S/ MARNE, (le service est fermé, c’est logique…), je me rends sur le site internet de la ville de VILLIERS S/MARNE, et sur le portail : l’émotion, un visage apparaît sur celle qui s’appelait Aurélie FOUQUET, elle arbore un sourire radieux, un frisson me traverse le corps...

Je pense aussi à son chef de service, Lionel VENDEMA j’imagine la pression médiatique, la culpabilité injustifiée qui l’envahi, je compatis à sa douleur.

Puis je pense à un autre collègue breton, dont j’ai oublié le nom… je recherche, ah oui, Michel MACE, « MACE », tiens, le même nom de famille du conjoint d’Aurélie, une coïncidence ?

Michel MACE avait 39 ans, lorsque celui-ci est mort également en service par arme à feu en septembre 92 par un malfaiteur qu’il tentait de maîtriser alors que celui-ci venait de commettre un hold-up à REDON (35).

Samedi matin, les dernières infos tombent sur les boîtes mails, l’hommage aura lieu à 15h30, la tenue à privilégier : chemise blanche, pantalon droit, les postes de police devront fermer leurs portes au moment de l’hommage national et une minute de silence sera observée.

…Ce samedi matin, ma tâche est d’informer la presse locale des dons qui pourront être versé à la famille d’Aurélie par l’intermédiaire de l’ANCPM, et de la fermeture du poste de police pendant la durée de l’hommage national.

Le journaliste d’Ouest France, en ligne, me fait part de l’interview de l’adjoint délégué à la sécurité de la ville de NANTES paru en pages nationales ce matin, selon ces déclarations, il ne faut pas faire des policiers municipaux des sheriffs, avant de renchérir que ce n’est pas les missions de la police municipale que de se lancer à la poursuite d’individus du grand banditisme, où encore que les missions de la police municipale, c’est l’ilotage et régler les problèmes de voisinages. Le journaliste, en ligne, attend ma réaction, ce que je pense : encore un qui parle sans connaître la réalité des faits, et pourquoi donc la Ville de NANTES s’est elle dotée de 90 policiers municipaux, des médiateurs suffisaient amplement, en considération des propos de cet élu.

Ma réponse, ce sera celle-ci : pas de commentaire, le temps est au recueillement pas à la polémique. La seconde question : « connaissiez-vous Aurélie FOUQUET, non mais c’est un membre de la famille de la police municipale que l’on vient de perdre.

Quelques appels téléphoniques reçus m’informent du désistement de certains collègues qui ne pourront être présents, privilégiant le mouvement syndical du 1^er juin pendant lequel, selon eux, il sera très certainement organisé une minute de silence... Pour moi c’est clair, les revendications sont une chose, le recueillement une autre, çà ne peut pas être un mélange des genres.

Un coup de fil fait plaisir après celui des désistements, Thierry, un collègue du Finistère se rendra à LOUDEAC dès la veille pour dormir sur place avant le départ prévu à 7h00 mercredi prochain.

Nous serons donc bien 7 à prendre la route pour VILLIERS S/ MARNE ce mercredi 27 mai à 7h00, venus de LOUDEAC, LAMBALLE, SAINT-BRIEUC, AURAY et GOUESNOU. Nous prenons un café rapidement avant de prendre la route pour cette journée si justement décrite par Raymond MALLIA, précédemment.

Je reviens subitement à la réalité, nous sommes vendredi, je dois récupérer les enfants à l’école. Au portail, mon petit garçon de 4 ans me tend le cadeau qu’il a confectionné en classe pour sa maman à l’occasion de la fête des mères. Tout à coup, je réalise qu’Aurélie FOUQUET n’aura pas le bonheur de connaître le plaisir de recevoir un cadeau de la part de son petit Alexis et que, lui non plus, n’aura pas la joie et la satisfaction de tendre un cadeau fait de ses mains à sa maman.

Voilà, l’hommage à Aurélie vient d’être rendu et déjà, la discorde enfle entre les représentants syndicaux de notre profession et d’autres qui s’efforcent d’entretenir des différences entre les forces de sécurité de l’Etat et municipales.

Néanmoins, nous restons égaux pour la valeur que nous portons à la vie de nos proches, nous demeurons bien tous égaux face au danger, notre mission commune est bien la protection des biens et des personnes, dans le respect de notre constitution qui porte cette devise : LIBERTE – EGALITE – FRATERNITE.

Gardons en mémoire, le nom de Michel MACE et d’Aurélie FOUQUET. Pour le souvenir d’Aurélie, il serait juste que les promotions de Formation Initiale de Gardien de Police Municipale de l’année 2010 portent son nom.

Patrice DEBOIS

Chef de service de Police Municipale

Ville de LOUDEAC